Chirurgie cardiaque de l’octogénaire ?

Est-il raisonnable d’opérer un patient octogénaire voire nonagénaire? Le risque opératoire n’est-il pas trop élevé ? N’est-ce pas une médecine futile ?

Voilà des questions fréquemment posées par les patients, leur entourage ou leur médecin traitant. S’il est vrai qu’il était relativement rare d’opérer du cœur des octogénaires dans les années 1990, c’est aujourd’hui chose fréquente. En effet plus de 25% des patients opérés en chirurgie cardiaque ont plus de 80 ans. Cette chirurgie est devenue possible grâce à une évaluation précise du patient et de ses facteurs de risques, mais aussi par l’évolution des prises en charge.

L’évaluation du risque opératoire est primordiale en chirurgie cardiaque. Elle est appréciée par différents scores dont l’Euroscore II ou le STS score, mais ceux-ci surestiment souvent le risque opératoire des patients âgés, ou a contrario minimise l’impact d’un geste chirurgical complexe et lourd chez un octogénaire. Il convient donc de prendre en considération les facteurs de risques habituels comme la dénutrition ou le surpoids mais aussi d’autres facteurs propres aux patients âgés tels que l’environnement et le mode de vie. De nombreuses études rapportent en effet que le risque opératoire est plus élevé pour des patients vivant en institution, célibataire/veuf, sans vie sociale ou religieuse. Une notion bien décrite également est la « fragilité » du patient, définie comme l’épuisement des réserves médico-psycho-sociales et l’incapacité à répondre à un stress. La vitesse de marche apparaît alors comme un bon indicateur de fragilité et prédictif de la mortalité et d’évènements cardiaques majeurs (JACC 2010). Plusieurs publications estiment qu’une vitesse de marche inférieure à 1m/sec est corrélée à un surisque de mortalité et de dépendance après chirurgie cardiaque. Une évaluation pluridisciplinaire et gériatrique est  donc indispensable.

Le but de la chirurgie du sujet âgé est avant tout d’améliorer la qualité de sa vie et non pas son espérance de vie. La chirurgie s’adresse donc avant tout à des patients symptomatiques et les indications sont évaluées en fonction du rapport bénéfice/risque. Par ailleurs, les prises en charge ont énormément évolué, avec une chirurgie moins invasive, un monitorage per-opératoire précis, une mobilisation post-opératoire précoce et une réadaptation adaptée. 

L’évaluation préopératoire du patient avec des critères adaptés à son âge et à sa « fragilité », les évolutions de prise en charge en pré, per et post opératoire, rendent aujourd’hui possible la chirurgie cardiaque de l’octogénaire avec de bons résultats  tant en terme de survie et de signes fonctionnels, qu’en terme de qualité de vie. L’appréciation de l’opérabilité d’un patient requiert une expertise multidisciplinaire, où le gériatre et le médecin traitant ont des avis essentiels qui doivent être confrontés à ceux de l’équipe médico-chirurgicale, sans « autolimitation » sur des à priori erronés. Enfin, l’avis et les souhaits du patient et de son entourage sont bien évidemment au cœur de la décision.